Pascale C. Annoual, directrice
Bonjour madame Annoual,
J’ai été scandalisé par la violence de vos propos et de votre attitude dans votre texte publié par La Presse Le racisme systémique et la violence des mots. Je suppose que c’était voulu, mais ce n’est pas ainsi qu’on pourra mieux se comprendre.
La langue française et sa polysémie
Il se trouve qu’il y a nigger et nègre, nègre et nègre, niggerness et négritude, tous des mots commençant par la lettre N, mais des mots différents et des mots qui peuvent avoir plusieurs sens, selon la langue ou selon l’emploi. On a pas le choix de les nommer au complet pour ne serait-ce que les différencier, ce dont est incapable l’emploi de la locution ( mot en N ou N word )
Vous ignorez ou faites mine d’ignorer ce fait pourtant capital dans votre plaidoyer, ce qui relève d’un racisme typiquement anglo-mono-maniaque qui se fout de la langue française et de ce qui s’emploie ou pas dans cette langue. À moins qu’il soit question d’ignorance. Qui se comble au contact de la Connnaissance. Dont acte : « Sale nègre » est une insulte, mais « l’Art nègre » n’en est pas.
Vous l’artiste, permettez moi de vous le dire, d’artiste à artiste, vous ne pouvez pas ignorer ce qu’est l’Art nègre, cet art qui depuis plus de 100 ans est notamment présenté en France comme étant l’un des arts les plus achevé de l’Humanité, comme étant celui qui dès les années 1908, grâce, entre autres artistes et créateur,trices, à Picasso et au mouvement artistique cubiste, a transformé l’art occidental au complet en le fondant sur de toutes nouvelles bases différentes de ce qu’elles étaient depuis 4k ans, depuis les grecs et les mésopotamiens. Ce n’est pas rien et tout l’art occidental en est encore transformé de nos jours. C’est tout sauf une insulte que de parler d’Art nègre, de négritude, que de nommer l’Art nègre et la négritude, comme l’ont fait si admirablement Aimé Césaire et autres Léopold Sédar Senghor. La mise en abime du noble mot nègre est non seulement une insulte à l’intelligence humaine mais une insulte au génie de la langue française, et des langues en général. Les mots peuvent avoir plusieurs sens et on ne peut pas ni l’ignorer ni faire comme si ce n’était pas le cas. Ce que vous faites malheureusement, et ce n’est pas admissible.
Prétendre le contraire est au mieux une infamie au regard de l’Histoire de l’art de l’Humanité, au pire, une fausse bonne idée pour les défenseur de l’anti-racisme et de la décolonisation culturelle. C’est ignorer 100 ans de célébration de l’Art nègre, 100 ans de développement de la civilisation de la négritude ; ce n’est ni fertile, ni avisé que de régresser ainsi de manière tout à fait aveugle et sourde.
Défendre l’idée que l’Art nègre est avec la négritude un avancement civilisationnel considérable ne peut que guérir et non pas heurter, mais ce, pour peu bien sur que votre refus global d’employer ces mots nobles soit mis de côté. Mais pour cela, il faudrait rompre avec l’inculture que votre violente obsession mono-maniaque distille, en choisissant l’Art et la culture, autant nègre qu’inuite, qu’algonkine, etc…
Racisme systémique NON PAS. Culture raciste… OUI.
Quant au racisme systémique, je dirai simplement que son emploi est tout autant une fausse bonne idée de la part des anti-raciste comme je le suis… Il n’y a pas une telle chose qu’un système qui pense. Un système ne pense pas. Or, le racisme est un fait de la pensée. Un système ne peut donc être raciste que si, et seulement si, les lois et règlements qui le gouvernent, sont racistes.
Or, il n’y a qu’une loi qui le soit raciste, clairement raciste au Québec, et c’est la Loi du Canada qui s’impose au Québec et aux Premières nations de force et d’autorité impériale sans jamais avoir obtenu le clair OUI démocratique référendaire des Québécois,es et donc aussi des Premières nations du Québec. C’est la Loi sur les Indiens, dont le titre lui-même est une insulte puisque les Premières nations ne sont pas indiennes… Ce qui ne fait pas des systèmes de santé, d’éducation et de police du Québec des systèmes racistes en soi.
Que les cursus universitaires ne fassent pas de place aux Premières nations ni aux minorités ethniques et raciales, au moins en proportion de leur nombre, cela n’est pas le fait ni de lois, ni de système, mais de culture, donc, des personnes qui ont conçu les cursus en question. Ce sont elles les responsables, non pas le système. Attaquer le système c’est s’attaquer à rien du tout… S’attaquer aux responsables, ça, ça compte. S’attaquer à la culture que véhicule les responsables, là on s’attaque aux « vraies affaires ».
On ne le fait pas en s’attaquant à la sémantique.
Merci pour votre généreuse attention.
Luc Archambault, Lévis, Québec
Artiste et citoyen | www.luc-archambault.com
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